En cette période de confinement, Le Figaro a sollicité 4 expertes pour répondre à vos questions sur l’immobilier. Troisième volet: les questions juridiques.
Impayés de loyer, travaux, assemblées générales de copropriété, déménagements: cette période de confinement génère des complications dans la gestion quotidienne des biens immobiliers. Roselyne Conan, directrice générale de l’Agence nationale pour l’information sur le logement, a répondu à vos questions.
Franck (Asnières) – Locataires dans le parc privé, nous avons des difficultés pour régler notre loyer, mon épouse vient de perdre son travail et je suis en intérim. Notre bailleur refuse de faire des concessions. Comment légalement obtenir un échelonnement des paiements?
Roselyne Conan – «Dans le contexte de la crise sanitaire, en cas de difficultés pour payer votre loyer et/ou vos charges, il est important d’agir au plus vite et de ne pas rester seul face au problème. Vous pouvez vous faire accompagner dans vos démarches par un conseiller – juriste du réseau des Agences départementales d’information sur le logement (ADIL).
Une plateforme « SOS loyers impayés » (numéro vert: 0805 16 00 75) a été mise en place pour vous aider ; elle permet de vous mettre en lien avec l’un des 450 conseillers-juristes du réseau des ADIL, le plus proche de chez vous. Si, en présence d’une dette locative, le bailleur s’oppose à tout arrangement amiable et adresse aux locataires un commandement de payer par huissier de justice, vous pourrez saisir le tribunal judiciaire afin de solliciter un échéancier de paiement».
Sylvain (Montargis) – Avec cette période de confinement, puis-je réaliser un état des lieux avec mon bailleur?
R.C – «Oui, dans le cadre d’un déménagement, vous pouvez organiser avec votre bailleur l’état des lieux et la remise des clés. Lors de votre déplacement, vous devrez vous munir d’une attestation, en cochant la case « motif familial impérieux ».S’il n’est pas possible de réaliser l’état des lieux de manière contradictoire et amiable (par exemple, si l’une des parties ne se présente pas ou si les parties ne s’accordent pas sur le contenu de l’état des lieux), le bailleur ou le locataire peut faire appel à un huissier pour l’établir. Ce dernier doit aviser les parties au moins sept jours à l’avance par lettre recommandée avec avis de réception. Dans ce cas, les frais d’huissier seront partagés par moitié entre le bailleur et le locataire».
Pascale (Cabourg) – Les assemblées générales de copropriété peuvent-elles se tenir pendant la période d’état d’urgence?
R.C – «Oui, les AG de copropriétés pourront se tenir. Cependant, elles ne pourront avoir lieu en présentiel, mais par visioconférence ou avec le vote par correspondance».
Mise à jour de la rédaction: le gouvernement reconduit les assouplissements décidés lors du premier confinement. Ainsi, il autorise la prolongation des syndics dont le contrat arrive à expiration en période de confinement voire au-delà puisque la mesure concerne les mandats allant jusqu’au 31 décembre.
Julien (Sète) – Comment récupérer légalement mon impayé de loyer? Une expulsion locative est-elle possible pendant la période de confinement?
R.C – «Votre locataire a peut-être des difficultés de trésorerie exceptionnelles. Aussi, il est recommandé de prendre rapidement contact avec lui, pour envisager ensemble la situation et les modalités d’un étalement de la dette sur plusieurs mois. Un conseiller-juriste d’ADIL peut vous aider dans ces démarches.
Si les difficultés apparaissent structurelles ou en l’absence de solution amiable, vous pouvez engager une procédure judiciaire. Avant cette étape contentieuse, il convient de faire appel à un huissier de justice qui délivrera au locataire un commandement de payer.
Pour les procédures en cours et pour lesquelles un juge a déjà prononcé la résiliation du bail et l’expulsion, la trêve hivernale s’applique depuis le 1er novembre. Elle fait obstacle à l’octroi du concours de la force publique par le préfet et donc à l’expulsion effective de l’occupant (sauf en cas d’arrêté de péril ou en cas d’offre de relogement adaptée)».
Bastien (Reims) – Un contrat de location signé en ligne est-il valable juridiquement?
R.R – «Un contrat de location peut être signé en ligne, à condition que les parties soient identifiées et que l’intégrité du document soit garantie (article 1174 et article 1366 du code civil). La signature électronique doit faire l’objet d’un procédé fiable d’identification des parties. Les signataires peuvent donc s’entendre sur la mise en place d’un tel procédé, en veillant à utiliser un procédé sécurisé (respectant la réglementation européenne eIDAS).
Aymeric (Nantes) – Les délais de traitement des demandes de locations dans le parc social vont-ils être rallongés?
R.C – «Les bailleurs sociaux assurent une mission de service public. Malgré les mesures de confinement, ils peuvent donc poursuivre leurs activités. Les demandeurs de logement social peuvent également se rendre à des rendez-vous qui leur sont proposés, par exemple pour signer un bail ou effectuer un état des lieux (ils devront justifier d’une attestation dérogatoire de déplacement et de la convocation écrite du bailleur social).
La tenue de commissions d’attribution dématérialisées est possible si le règlement intérieur de la commission le prévoit. Dans le contexte du premier confinement, l’ordonnance du 27 mars 2020 avait autorisé, par dérogation aux règlements intérieurs de ces commissions, des réunions dématérialisées, mais cette mesure n’est plus applicable depuis le 10 août 2020. Récemment, le ministère en charge du Logement a néanmoins annoncé de prochaines dispositions sur ce sujet».
Jérôme (Metz) – Je suis locataire. Si mon délai de préavis expire pendant la période de confinement qui pourrait se durcir, suis-je obligé de déménager?
R.C – «À ce stade, le confinement n’a pas d’impact sur les délais contractuels. Ainsi, que le congé vienne du bailleur ou du locataire, le contrat de location prendra fin au terme du préavis. Les déménagements étant possibles, le locataire devra donc quitter les lieux. Toutefois, les parties peuvent mettre en place un maintien temporaire dans le logement.
En ce cas, il est recommandé de conclure une convention d’occupation temporaire pour clarifier les relations entre les parties après le terme du bail. Pour vous aider à rédiger cette convention, l’ANIL met à disposition des clauses-types sur son site Internet: www.anil.org. Attention: cette convention n’a pas vocation à durer longtemps!».
Bernard (Vernouillet) – Je dois réaliser des travaux dans ma future maison à Dreux (28), achetée cet été. Elle est en construction. Ai-je bien le droit légalement de me déplacer et faire les travaux?
R.C – «Les travaux réalisés par un professionnel continuent pendant la période de confinement. Pour le suivi d’un chantier (construction ou rénovation), il convient de privilégier chaque fois que cela est possible des échanges dématérialisés. Toutefois, pour les étapes juridiques indispensables, comme le déblocage des fonds à certains stades d’avancement du chantier ou la réception des travaux, il est possible pour les particuliers de se déplacer. Outre l’attestation, il faudra se munir d’une convocation formalisée par l’entreprise contractante ou le maître d’œuvre pour la démarche en question.
Si vous réalisez les travaux par vous-même, par exemple pour préparer votre future habitation, notez que ce motif n’est pas inscrit parmi les cas dérogatoires de déplacement prévus par le décret du 29 octobre 2020. Le ministère en charge du Logement indique que des cas particuliers pourront être appréciés si ces travaux répondent à un motif familial impérieux, « par exemple des travaux urgents réalisés par un particulier pour pouvoir déménager, pouvoir intégrer son futur logement ou habitation en cas de vente ou de préavis pour libérer son habitation/logement actuel. »
Luc (Paris 13e) – On entend dire qu’Action Logement propose une aide supplémentaire. Est-ce vrai? Qui est concerné et à partir de quand?
R.C – «Depuis fin juin 2020, Action logement propose une aide exceptionnelle pour accompagner les salariés des secteurs privé et agricole fragilisés par la crise sanitaire ainsi que les saisonniers agricoles. Pour les salariés ou demandeurs d’emploi du secteur privé, cette aide est de 150 € par mois sur non plus deux mais, depuis fin octobre, six mois maximum.
Les conditions pour en bénéficier sont les suivantes: être locataire ou propriétaire accédant, être salarié du secteur privé ou demandeur d’emploi (voire salarié d’une entreprise agricole), avoir des revenus inférieurs ou égaux à 1828,50 € net / mois, avoir subi une baisse de revenus mensuels d’au moins 15% par rapport aux ressources du mois de février ou pour les salariés d’une entreprise agricole: supporter des charges de logement représentant 40% du revenu mensuel net
Une aide exceptionnelle jusqu’à 600 € (150 € par mois, pendant 4 mois) est également ouverte aux travailleurs saisonniers du secteur agricole pour payer leurs frais d’hébergement. Vous pourrez retrouver l’ensemble des informations sur cette aide sur le site d’Action logement ou auprès de votre ADIL. De nouvelles modalités de distribution de ces aides seront prochainement annoncées».
Nicolas (Varengeville) – Est-il encore possible de déposer un permis de construire? Les permis de construire seront-ils traités durant la période? Y a-t-il des délais à respecter?
R.C – «Il est tout à fait possible de déposer un permis de construire, par voie postale ou en vous rendant directement au service urbanisme de votre mairie. Pour se faire, il vous suffit de cocher la case « convocation judiciaire ou administrative » pour vous rendre dans un service public, ainsi que votre attestation de déplacement dérogatoire. La délivrance des autorisations d’urbanisme se poursuit dans les conditions de droit commun. La Ministre en charge du logement a annoncé qu’il n’y aura pas de suspension ou d’allongement des délais».
Source : https://www.boursorama.com/patrimoine/actualites/comment-recuperer-mon-loyer-impaye-nos-reponses-a-vos-questions-juridiques-4253128ea81bb3f9cfbb31a96aed9b78