L’action en responsabilité du voisin pour trouble anormal de voisinage constitue une action en responsabilité extracontractuelle et non une action réelle immobilière. Elle est soumise à la prescription de 5 ans de l’article 2224 du Code civil.
Une SCI fait construire un immeuble d’habitation après démolition des anciens bâtiments de l’Imprimerie nationale. Une première expertise est ordonnée à titre préventif en 2000. À la suite de désordres occasionnés aux propriétés voisines par une décompression du terrain, des voisins sollicitent en référé, le 12 septembre 2008, une nouvelle expertise et le paiement d’une provision. Leur demande est rejetée par ordonnance du 17 décembre 2008. Les 21 et 26 octobre 2011, ils assignent la SCI et divers constructeurs en indemnisation pour trouble anormal de voisinage.
Ils sont déboutés. La cour d’appel juge leur demande prescrite.
La Cour de cassation confirme la décision. Elle retient que l’action pour trouble de voisinage n’est pas une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité extracontractuelle soumise à la prescription de 10 ans de l’ancien article 2270-1 du Code civil, réduite à 5 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008. La Cour relève que les travaux de consolidation ont été exécutés le 31 juillet 2001, qu’aucune aggravation n’a été constatée par la suite et que la prescription de 10 ans était en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi de 2008. Le délai restant à courir étant inférieur à 5 ans, la prescription expirait le 31 juillet 2011, en sorte que l’action exercée le 25 octobre 2011 était prescrite.
A noter : L’arrêt précise, pour répondre au moyen du pourvoi qui soutenait que la prescription avait pour point de départ la réception (et non le 31 juillet 2001), que l’action de l’article 1792-4-3 du Code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construction.
Les voisins sont des tiers à l’opération de construction. S’ils se plaignent d’un trouble de voisinage, ils exercent l’action extracontractuelle. Naguère soumise à la prescription de 10 ans (C. civ. art. 2270-1 ancien), l’action est soumise actuellement à celle de 5 ans en application de l’article 2224 du Code civil issu de la loi 2008-561 du 17 juin 2008. Il était soutenu jadis que l’action était fondée sur « la propriété », mais en permettant au voisin d’agir tant contre le propriétaire que contre les constructeurs, la Cour de cassation a conforté son fondement extracontractuel (voir sur la question, P. Malinvaud : RDI 2006 p. 251).
Il semble qu’en l’espèce le dommage se soit produit au cours des travaux. Les travaux de consolidation ayant eu lieu le 31 juillet 2001 et aucune aggravation ne s’étant produite par la suite, l’arrêt prend cette date pour point de départ de la prescription. L’action ayant été engagée le 25 octobre 2011, soit plus de 10 ans après, elle était prescrite. Effectivement, la loi du 17 juin 2008 a réduit la prescription à 5 ans. Ses dispositions transitoires prévoient que les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent à compter de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (Loi 2008-561 du 17-6-2008 art. 26). En l’espèce, comme le reste du délai à courir à compter de l’entrée en vigueur de la loi était inférieur à 5 ans, la Cour de cassation a appliqué le délai de 10 ans conformément au principe transitoire. L’action en référé du 15 février 2008 aurait pu avoir un effet interruptif en faveur des voisins, mais comme cette action a été rejetée, l’interruption a été anéantie (C. civ. art. 2243, qui confirme les solutions antérieures).
Il est probable, mais l’arrêt n’en dit rien, que la réception des travaux est intervenue après 2001, ce qui explique que le moyen invoquait l’article 1792-4-3 du Code civil, qui dispose que les actions en responsabilité décennale dirigées contre les constructeurs et leurs sous-traitants se prescrivent par 10 ans à compter de la réception des travaux. Mais, confirmant le principe posé dans ses autres arrêts du 16 janvier 2020, la Cour de cassation énonce que l’action de ce texte, « réservée au maître de l’ouvrage », n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construction. S’il ne fait guère de doute qu’un tiers ne peut se prévaloir du texte, le motif de l’arrêt, comme celui des deux autres décisions du même jour, invite sérieusement à se demander si l’action de l’entrepreneur principal contre le sous-traitant en relève, comme pourtant cela était généralement admis par la doctrine, avant ces arrêts.